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Cédric Desbrosse

« Passeur de l'ombre »

On roulait tous les deux. Lui en voiture vers le Sud, moi ma bosse. L’interview de Cédric aura duré 100 kms pour lui et presque une heure pour tous les deux. Assis à mon bureau, au gré de nos échanges, j’ai finalement traversé les océans, parcouru plus de 10 ans de carrière et j’ai compris. J’ai compris qui était Cédric Desbrosse et je sais un peu mieux encore quel est le cœur de Rugby French Flair. Venez …

« Cédric Desbrosse, né le 9 novembre 1971 à Sainte-Foy-Lès-Lyon, est un joueur de rugby à XV, qui a joué avec l'équipe de France, évoluant au poste de trois-quarts centre (1,90 m pour 95 kg). Ailier de formation, il devient centre lors de son premier passage à Givors sur les conseils de l'ancien international Aldo Gruarin ».
Voilà ce que vous pourrez lire si vous tapez Cédric Desbrosse sur Wikipedia. Google ne ment pas et tout est sûrement vrai et vous saviez peut-être déjà tout ça. Découvrons maintenant l’autre Cédric Desbrosse, celui qui aujourd’hui manage 20 personnes au sein de la société Elcom, qui est co-gérant de la société AM Events avec un certain Francis Ntamack et qui s’investit à Rugby French Flair…

Cédric, d’où es-tu ?

Je suis Ozonnais. Ou Saint-Symphorinois, c’est comme on veut. J’ai donc commencé le rugby dans mon village, près de Lyon, avec mes deux frères. Puis ça sera Bourgoin, Givors, Annonay avant un retour à Givors.

Puis tu as basculé au grand Stade Toulousain alors que tu avais des propositions à Castres, Pau ou encore le Stade Français avec 2 sélections en équipe de France et un certain nombre en équipe de France à 7.

Oui. J’ai passé 6 saisons au Stade Toulousain avec 2 titres de champions de France en 1999 et 2001 et un titre de champion d’Europe en 2003. Puis une saison à Béziers, une à Narbonne, une à Lyon et une dernière avec Christian Labit à Carcassonne.

Nostalgique ?...

Je ne suis pas nostalgique de ma carrière de rugbyman. J’ai vécu le rugby amateur puis professionnel et j’ai même entraîné en suivant. J’ai eu la chance de vivre de grands moments et de rencontrer de belles personnes. Le rugby professionnel évolue et se rapproche de plus en plus du foot avec des enjeux financiers et une médiatisation forts. Mais on ne pourra jamais lutter face à cette sphère planétaire qu’est le football ». Voilà pourquoi nous devons rester vigilants sur ce que nous voulons vraiment faire de notre sport.

Dans l’évolution du rugby prédomine aussi une dimension physique prépondérante

Je crois qu’on va en revenir : avec Yannick Jauzion ou Brian Liebenberg, nous étions dans les premiers trois quarts physiques utilisés pour franchir au milieu du terrain. Ceci peut avoir du sens mais avec l’intention de s’en servir comme un moyen et non une fin en soi. Un moyen de libérer des espaces ailleurs. Ce que les Blacks font à merveille … ». Je crois beaucoup aux joueurs qui arrivent avec une culture différente, en marge du rugby de terroir et qui seront capables d’avancer vers un rugby athlétique certes mais où l’évitement n’est pas laissé au rebus. Les jeunes des quartiers ont par exemple un potentiel qui peut faire avancer le rugby. Massy par exemple l’a bien compris …

Restons sur cette thématique de quartiers mais changeons de continent. Si je te dis « Andres Zafra » …

Ah Andres … Il vit une très belle aventure et c’est une belle réussite pour lui ! C’est un gamin intelligent et qui a du talent. Je suis très content de voir son évolution et sa progression.

Raconte-nous la genèse de son arrivée en France

C’est une histoire « made in Rugby French Flair » ! Lors de notre mission en Colombie avec Francis Ntamack et Jean-Baptiste Ozanne nous menons un entrainement avec les jeunes de Cucuta. Francis voit tout de suite le potentiel d’Andres. Je suis à l’époque entraîneur de Givors. Nous nous sommes mobilisés avec Rugby French Flair et grâce à l’ambassade, notamment l’ambassadeur de France Jean Marc Laforêt et à différents interlocuteurs, nous avons pu proposer à Andres un projet sympa et viable. Aujourd’hui l’aventure continue pour lui et il peut vivre une belle carrière de rugbyman.

Mais est-ce la vocation première de Rugby French Flair que de recruter des joueurs dans le cadre de ses missions ?

Pas du tout et le cas d’Andres reste anecdotique en rapport à son véritable objectif. Notre volonté c’est développer le rugby dans des contrées où ce sport n’existe pas ou très peu. Mais le rugby dans sa dimension sociale et éducative.

Un double projet donc ?

Oui. Le rugby pour le rugby, y compris pour nous d’ailleurs, n’a pas d’intérêt. Les caractéristiques de ce sport imposent un cadre, des comportements, un état d’esprit, le tout dans une dimension sociale qui tend à aider à résoudre certains problèmes. Je parle là de la notion de respect, de violence qui doit basculer en agressivité saine, de vérités collectives qui doivent amener de vraies solutions, sur le terrain comme dans la vie.

On est en plein dans le sens de votre engagement pour Rugby French Flair à vous, anciens internationaux !

Pas que nous. Je pourrais te parler par exemple de Guy Capdeville que personne ne connait, alors qu’il est un des gars les plus importants que le plus connus d’entre nous. Certes notre notoriété sert la cause. Mais de l’intérieur, il n’y a plus d’internationaux, de partenaires, de dirigeants : nous sommes juste des hommes au service d‘une cause dont le rugby est le vecteur commun pour aider les enfants qui en ont besoin !

Quel est l’avenir de Rugby French Flair ?

Nous devons pérenniser nos actions dans les pays où nous sommes présents. Pour cela nous devons trouver des fonds et donner des moyens sur place pour que les associations qui œuvrent dans chaque pays puissent améliorer les conditions des enfants. Le tout avec cette notion de double projet, sportif mais surtout éducatif. Pour cela nous devons trouver de nouvelles forces vives, aussi bien chez les joueurs « jeunes retraités » qu’en termes de partenaires sensibles à notre engagement et à ses bienfaits.

Au-delà même de chaque mission donc …

Oui. Nous ne faisons plus maintenant de missions sans repérage sur place pour être sûr que notre action portera ses fruits, sur le moment mais aussi en s’inscrivant sur la durée. Le moment sur place est important mais ce qui compte c’est la suite. Comment les enfants vont pouvoir s’appuyer sur les structures existantes pour « grandir » en tant qu’Homme en se reposant sur des valeurs fortes. La notion d’entraide, de famille, prend là tout son sens.

On en revient au rugby comme vecteur de lien social

Complètement. L’idée phare c’est transmettre. Rugby French Flair est né à New York, presque par hasard voici quelques années déjà. Je dis « presque » car ce soir-là avec quelques types, lors d’une 3ème mi-temps digne de ce nom suite à une journée où nous faisions la promotion de Toulouse, nous avions organisé un évènement autour du rugby et le public avait été conquis. Et l’idée de porter ces valeurs un peu partout dans le monde était née …

« Transmettre » par Cédric Desbrosse. Je connais un ou deux de tes anciens coéquipiers toulousains qui vont te chambrer …

C’est vrai que la passe sur un pas n’était pas ma qualité première. Pourtant Pierre Bondouy m’embrasse encore les pieds régulièrement en guise de remerciement suite à l’essai que je lui offre au Stadium en 1999 contre le Stade Français … Plus sérieusement, en rugby comme dans la vie, on a besoin de toutes les compétences. Les « beaux » sont mis en valeur parce que d’autres font le job. Entre ceux qui prennent bien la lumière et les autres, nous sommes complémentaires. L’essentiel c’est de partager notre passion, certes pour prendre du plaisir, mais aussi pour en donner.

Et c’est le cas à Rugby French Flair !

Je crois. C’est une histoire d’Hommes, de passionnés avec un engagement collectif juste.


Un peu dans l’interview, un peu « en off », j’avais très envie que Cédric « balance » un peu Francis Ntamack, son pote, histoire que je me régale un peu à le chambrer. Pas moyen ! « Francis c’est mon frère : quand je suis arrivé à Toulouse il m’a accueilli et m’a aidé comme un ami qu’il est devenu. Alors je ne peux pas t’aider. ». « Dommage » ai-je d’abord pensé très égoïstement.
Mais in fine, les ballons ne sont pas tous bons à donner et certains ont parfois raison de les garder. Travail obscur … Respect de tous ... Maîtrise de tout … Passeur de l’ombre … Ainsi va Cédric Desbrosse.
Propos recueillis par Michel Tortelli