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Jean-Louis JORDANA

« Montagne Pyrénées »

Lorsque l’on évoque la carrière de Jean-Louis Jordana, une première entrée s’impose : celle de ce rugby ariégeois dont il est issu et qui a fourni aux clubs de l’élite comme à l’équipe de France de nombreux éléments de valeur. « C’est sans doute l’air de la montagne… » plaisante-t-il lorsqu’on lui demande quel est le secret de cette génération spontanée. « J’ai débuté le rugby à 7 ans à Lavelanet. On ne connaissait pas tous les sports que peuvent pratiquer aujourd’hui les jeunes. Nous n’avions en tout et pour tout que le ski et le rugby. Pas de jeux vidéo non plus. On avait un ballon… et on jouait. Et puis Lavelanet évoluait à l’époque à un bon niveau, ce qui attirait les jeunes. »

«Barthez, Roumieu, Palacios, le Merle (Lisez Thierry Merlos ), « Flint » Estève, Marfaing, etc. Si tous ces joueurs ont pu percer au plus haut niveau, c’est que les grands clubs environnants allaient puiser dans le vivier régional. Rien à voir avec ce qui se passe aujourd’hui et un recrutement à l’échelle de la planète. »

Savoir d’où l’on vient

Pour Jean-Louis Jordana, le premier exil le conduisit à Pau. « Il me faut voir les Pyrénées… Si je ne les vois pas, je ne suis pas bien. J’avais intégré le Sport-Etudes de Jolimont avec Sylvain Dispagne et Hugues Miorin. Mais j’ai tout de même choisi Pau, alors que Toulouse et d’autres clubs m’avaient fait des propositions. Et j’ai passé huit saisons à la Section ; parce que j’ai trouvé là ce que je recherchais en matière de rugby : souffrir sur le terrain et passer de bons moments en dehors. Pour moi, le rugby reste toujours synonyme de convivialité. C’était aussi un tremplin social à la différence de ce que l’on connaît aujourd’hui. Nous sommes désormais dans le rugby business. Je ne critique pas les joueurs qui vivent avec les contraintes et les avantages de leur temps. Mais je me demande si le rugby ne va pas y perdre certaines de ses valeurs. Or ce qui a fait la force du rugby ariégeois, à mon sens, ce sont justement les valeurs que nous conservions. Nous savions d’où nous venions et il n’était pas question de s’emballer. »

Inutile de préciser alors que Jean-Louis Jordana a poursuivi sa carrière sans se poser de question, sans jamais céder au star-sytem mais en puisant dans les rencontres sa dose d’amitié et de camaraderie ; surtout au sein de cette confrérie si particulière des premières lignes. « Je ne me suis jamais identifié à quelqu’un en particulier même si j’ai toujours éprouvé du respect pour les anciens. Quand du débutes à Lavelanet, tu veux jouer en équipe 1. Quand tu y es, tu veux aller plus haut. Il faut beaucoup de travail et d’efforts, faire les bons choix, en sachant qu’une carrière est aléatoire.

De Capdouze au Stade Toulousain

Je garde bien sûr un bon souvenir de certains entraîneurs, surtout ceux qui m’ont formé. Quand tu es jeune, tu as la connerie. Et nous l’avions pas mal… Mais à un certain moment, il faut savoir se remettre en question, se prendre en main, car c’est toi et uniquement toi qui possède les clés. Je conserverai peut-être un souvenir particulier d’un entraîneur : Nano Capdouze, à Pau. Pour sa joie, sa philosophie du rugby, sa convivialité. C’était un type adorable, un fou qui ne vivait que pour le rugby. Qui débordait d’idées. Avec lui, à l’entraînement, on savait qu’on allait bosser mais qu’on allait aussi rigoler. Je suis plutôt quelqu’un de rigoureux, mais j’ai adoré l’ambiance de ces séances. On faisait des trucs très intéressants, tout en rigolant en permanence. » S’il n’oublie rien de ses années paloises, l’appel du Stade Toulousain fut à un certain moment le plus fort. « Nous étions en contact depuis 1993. J’avais refusé à l’époque car c’était un peu compliqué au Stade… Et puis, les Coupes d’Europe n’existaient pas encore. Là, en 1996, avoir la chance de jouer dans un club qui disputait la H Cup, c’était motivant ; cela me rapprochait également de ma région. Je savais de plus que j’allais y retrouver des amis. Et comme les joueurs avaient leur mot à dire en matière de recrutement, je savais que je serai bien accueilli. »

Le physique au détriment du technique

Les débuts du professionnalisme, Jean-Louis Jordana les a particulièrement bien vécus. « Ceux de notre génération avons été les cobayes du professionnalisme. J’ai connu les… défraiements en liquide, puis par chèque. Je dirai que c’était encore l’époque du semi-professionnalisme, le vrai rugby pro est arrivé à mon avis en 2001. Nous, nous ne voulions pas quitter notre emploi. » Le Stade Toulousain, c’était aussi la garantie d’un rugby de haut niveau et la perspective de titres. « Les meilleurs souvenirs restent ceux des titres de champion de France, les première sélections également. Je garde toujours en mémoire les bringues que nous faisions après les titres, à l’occasion aussi des stages avec le Stade. Ce qui ne plaisait pas forcément à Guy… » » Guy Novès bien entendu. « On garde toujours en mémoire les finales. Je me rappelle également certains matchs avec Pau. Par moments plus pour le « folklore » ; pour les bagarres, soyons clairs. Nous défendions un territoire. Le rugby d’aujourd’hui est plus physique, mais moins dangereux car recelant moins d’agressions. Cela dit, je pense aussi que nous sommes tombés dans l’excès inverse. Je crois que si on laissait les joueurs faire la police dans les rucks, le jeu serait plus propre et plus clair… Les joueurs trichent car ils savent qu’ils ne risquent rien. Je sais par contre que ma carrière internationale s’est arrêtée à cause de ma « mentalité », pour un mauvais geste. Mais je ne supportais pas certaines tricheries… On ne me l’a jamais dit ouvertement, mais j’en suis persuadé. »

Si Jean-Louis Jordana conserve en mémoire les bons moments de son passé de joueur, il reste cependant un souvenir douloureux qu’il n’a jamais évacué : « La lourde défaite face aux Wasps. » (Victoire des Wasps 77/17 en 1997) « Elle m’a fait mal, a fait mal à tout le monde d’ailleurs. » Il se pose également des questions sur le rugby d’aujourd’hui : « Le physique a pris le dessus sur la technique. Les joueurs effectuent plus d’entraînements, mais les séances supplémentaires sont consacrées au physique, pas à la technique. Et on peut se poser quelques questions lorsque l’on voit l’évolution physique de certains joueurs. J’espère que cela ne témoigne pas de certaines dérives… »

Rugby French Flair : aller voir autre chose

Jean-Louis Jordana participait aux débuts de l’aventure de Rugby French Flair, et son enthousiasme reste intact. « L’association se développe. Des entreprises commencent à s’intéresser à notre action, de plus en plus de joueurs également. Au départ, nous étions centrés sur Midi-Pyrénées, mais la base de l’association s’élargit. Ces voyages nous permettent de faire découvrir le rugby dans des pays où il n’existait pratiquement pas. Aider au développement de notre sport dans les écoles, c’est motivant. Surtout dans les zones défavorisées où nous sommes allés. J’ai vu des gosses venir le matin à l’école et repartir chez eux pour laisser la place à d’autres gamins, l’après-midi, car il n’y avait pas assez de place pour tous en même temps. Et je ne parle pas des terrains de sport dévastés, de la misère. C’est bien d’aller voir autre chose. Nous essayons ainsi de rendre au rugby une partie de ce qu’il nous a donné. En espérant que les gens conserveront une trace de notre passage, de ce que nous avons pu apporter. »